Sixte de Bourbon-Parme a connu Vladimir Ghika à Rome peu avant la Première Guerre mondiale. D’emblée une amitié se noue entre ce jeune homme croyant et son aîné de 13 ans à la foi ardente.

Mais la guerre éclate bientôt et Sixte et son frère Xavier (1889-1977) sont déchirés entre leurs diverses appartenances nationales. Eux, de par le sang des Bourbons qui coule dans leurs veines, se sentent Français, même si leur père est Italien et leur mère infante du Portugal, mais ce même sang royal fait que la France les rejette : les descendants des anciens monarques du pays sont interdits de territoire, c’est la « Loi de l’exil », de 1886[1]. Leur sœur Zita (1892-1989) a épousé, en 1911, le futur empereur d’Autriche-Hongrie, Charles Ier (1887-1922). Leurs frères puinés, eux, s’enrôleront dans l’armée autrichienne. C’est le cas de René (1894-1962), futur père d’Anne de Bourbon-Parme, qui épousera, en juin 1948, le roi Michel de Roumanie.

Mais Sixte et Xavier veulent se battre pour la France. Leur précepteur français, Mgr Antonin Travers, demande à Vladimir Ghika d’intervenir, mais que peut faire un citoyen d’un pays resté neutre ? Finalement leur cousine Élisabeth de Belgique leur ouvre les portes de l’armée belge.

Leur situation familiale place cependant les deux frères dans une situation idéale lorsque les puissances en guerre, en 1917, fatiguées de l’immense carnage, désirent discuter pour y mettre fin, notamment après la montée sur le trône d’Autriche-Hongrie de leur beau-frère Charles, le 29 novembre 1916. Mais il faut être discret, car personne ne veut avouer en public qu’il discute avec l’ennemi. Les années de guerre ont aigri les esprits. Même avec le Pape, il faut garder ses distances, c’est pourquoi Vladimir Ghika est mis à moitié dans la confidence pour servir d’entremise avec le Vatican. Les deux frères se rendent incognito en Autriche via la Suisse. Les discussions avec Charles Ier sont prometteuses, mais Ottokar Czernin, ministre des Affaires Étrangères autrichien et ancien ambassadeur à Bucarest, mis au courant, fait des révélations publiques et les pourparlers capotent. La guerre continue. Sixte est même fait prisonnier sur le front italien.

Après guerre, le 12 novembre 1919, Sixte épouse Hedwige de La Rochefoucauld (1896-1986), dont il aura une fille, Isabelle de Bourbon-Parme (1922-2015). Il n’est pas attiré par la politique, au contraire de son frère Xavier. On peut peut-être voir là l’influence de Vladimir Ghika qui, au fil du temps et de leur amitié, est devenu son « directeur et confesseur »[2], notamment après que leur précepteur, Mgr Travers, dans une lettre du printemps 1915 lui a, en quelque sorte, « légué » les princes Sixte et Xavier.

Sixte fait de grandes expéditions, en Afrique notamment. Il écrit à Vladimir Ghika début 1927 : « Pourquoi faut-il qu’un mauvais génie s’arrange tout le temps à nous empêcher de nous rencontrer à Paris, c’est un vrai jeu de cache-cache. » Et puis, le 25 novembre 1930 : « Notre jeu de cache-cache continue. Je pars pour Bonnétable quand vous revenez d’Auberive. C’est comme au cinéma. Je ne sais lequel de nous deux est plus gyrovague. »

Mais Vladimir Ghika est bien là quand Sixte, malade, cloué sur son lit d’agonie depuis de longs jours, reçoit du prince roumain sa dernière communion, le 14 mars 1934. Son faire-part de décès mentionne l’une de ses dernières paroles : « Il y a longtemps que j’ai fait le sacrifice de ma vie et que j’offre mes douleurs à Dieu ; j’espère qu’elles seront plus utiles à la France que toute l’activité que je voulais encore déployer pour elle. »

[1] Elle ne sera abrogée qu’en 1950, mais son application était très souple.

[2] Lettre du 16 mars 1926.

Luc Verly


Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 6 / 2023, p. 27.