Si vous êtes fan de James Bond, vous savez probablement qu’il reçoit ses instructions d’une femme, Miss Moneypenny, mais peut-être ne savez-vous pas que Ian Fleming, pour ce personnage de fiction, s’est basé sur une vraie chef-espionne britannique de la Deuxième Guerre mondiale, qu’il a bien connue, Vera Rosenberg-Atkins (1908-2000), née à… Galaţi, en Roumanie. Il n’est pas impossible que Vladimir Ghika l’ait connue, car elle a fréquenté la très bonne société roumaine de l’entre-deux-guerres et a notamment été éduquée chez les Sœurs Catholiques de Notre-Dame Sion de Galaţi, installées, au début, dans la maison de Sigismund Mendl, riche commerçant du port danubien.
C’est d’ailleurs la fille de ce dernier, Nina Mendl, qui était en même temps la tante de Vera Atkins, que Vladimir Ghika a bien connu. On dit que la jeune Nina Mendl aurait été courtisée par un jeune et brillant officier roumain du nom de Ion Antonescu. Mais celle-ci lui préféra le riche industriel Arthur Rosenberg (1879- ?[1]).
Ce n’est pas pour obtenir la protection du tout puissant maréchal que ce couple de juifs Galatziotes se réfugie à Bucarest pendant la Deuxième Guerre mondiale, non, Nina souffre d’une maladie des muscles et, d’abord soignée par les Filles de Charité à Berlin, elle préfère, pour échapper aux nazis[2], rentrer en Roumanie pour se faire soigner au Sanatorium Saint-Vincent-de-Paul, tandis que son mari se cache chez les Lazaristes de Budapest pendant toute la guerre. Il faut dire que l’un de leurs trois fils, probablement fragile psychologiquement, Hans/Jean (1909-1941), choqué par les atrocités nazies, a été hospitalisé dans un asile Viennois. Il y subit le sort des malades mentaux sous le régime hitlérien : l’extermination[3].
À Bucarest, Nina demande à être baptisée, ce qui est fait le 20 novembre 1941. Elle prend Marie-Jeanne pour nom de baptême. Dans la fiche qu’elle complète en vue de sa conversion, elle déclare que ses trois fils sont catholiques, elle-même se déclarant « sans religion ». L’un d’eux, George (1909-1988), jumeau de Hans, fréquente effectivement la chapelle du Sacré-Cœur. Le Père Georges Schorung dit de lui qu’il n’était « pas tout à fait normal », alors qu’il fait l’éloge de sa mère, Nina : « Très grande intelligence, parfaite éducation, grande bonté – âme sans faille… Sagesse de la famille – non toujours écoutée, grande piété… »
Au début de l’année 1944, celle-ci écrit une carte de vœux à Vladimir Ghika, qui vient parfois lui apporter la communion à domicile : « Espérons que 1944 apportera un rayon lumineux à l’horizon si noir pour pouvoir espérer dans une paix prochaine et apporter un peu de tranquillité à cette pauvre humanité si tourmentée. » Espérance qui se réalisera l’année suivante, dans une certaine mesure, mais après combien de souffrances ? Et combien à venir ? Elle-même décédera à Bucarest de sa maladie, en 1949.
[1] Le site Internet Geni indique qu’il est mort en 1940, mais le Père Georges Schorung, lui, affirme qu’il est rentré à Bucarest après guerre et qu’il l’a assisté sur son lit de mort, une mort très chrétienne d’ailleurs.
[2] D’après le Père Georges Schorung Adolf Hitler, au début de sa carrière politique, aurait cependant recherché le soutien financier du riche Arthur Rosenberg…
[3] Un cousin, Walter Rosenberg (1924-2006) s’échappera d’Auschwitz en avril 1944. Son rapport, connu comme le Rapport Vrba-Weltzer, sera alors l’une des principales sources d’information des Alliés concernant l’extermination des Juifs d’Europe.
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 1 / 2023, p. 27.