Une tête comme un ballon de football, « d’une laideur effrayante » dit un journaliste, étrange personnage que ce Nicolas Masloff. Né à Kiev dans une bonne famille dont on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elle a visité le Maghreb en 1904. Il se trouve à Kiev lors des combats entre bolcheviks russes et nationalistes ukrainiens – eh oui ! déjà – en 1918. Il émigre ensuite en France. Là il décide de devenir prêtre. Pour cela il se convertit au catholicisme et cherche à se former. Mais qui accepterait dans un séminaire un homme de 40 ans ? si ce n’est un étranger comme lui, devenu prêtre sur le tard, vous l’aurez deviné, je parle de Vladimir Ghika. Ce dernier prend Nicolas Masloff sous son aile, lui trouve une bourse, le fait inscrire dans un séminaire diocésain de province, ordonné dans un autre diocèse et incardiné dans un troisième… le chemin est tortueux quand on ne suit pas le droit chemin… Il est finalement ordonné prêtre en 1940, alors que Vladimir Ghika est rentré en Roumanie.

Mais l’histoire ne se termine pas là. L’abbé Masloff écrit à Vladimir Ghika, le 6 octobre 1942 : « Au point de vue matériel je ne puis me plaindre, mais par contre pour ce qui concerne le spirituel, cela va très mal. Jamais cela n’allait[1] aussi mal qu’à présent. » Et puis, plus rien, car Nicolas Masloff est déporté en Allemagne comme « personnalité otage ». Il survit aux camps de concentration et revient en France où… il est aussitôt incarcéré. Car il est accusé par ses compagnons de détention de les avoir espionnés au profit des autorités allemandes.

Le procès s’ouvre en 1947 et est très vite reporté pour complément d’information car un témoin accuse l’abbé Masloff d’avoir été déporté, non pas pour fait de résistance, comme celui-ci l’affirme, mais pour avoir trompé l’Abwehr, qui lui donnait de l’argent contre des informations sur les prêtres français patriotes, tout en fournissant les mêmes informations, pour le même prix, à la Gestapo. Le nom conspiratif de Masloff était « le Prophète » !

En février 1949, au bout du second procès, l’abbé Masloff est condamné à 7 ans de travaux forcés. Lui clame toujours son innocence et crie être la victime d’un complot communiste… et, en privé, accuse les francs-maçons… les juifs…

Il est finalement gracié par le Président du Conseil, Georges Bidault, catholique convaincu, et est libéré au début de l’année 1950.

Si l’on peut accuser Masloff de bien des choses, l’on ne peut pas l’accuser de n’être pas fidèle en amitié. Aussitôt sorti de prison, il tente d’entrer en contact avec Vladimir Ghika, et, lorsqu’il apprend son arrestation, il va tout faire pour le faire sortir de là. Son idée est de l’échanger contre un espion communiste prisonnier en France. Mais sa réputation étant compromise, il sollicite l’intervention de hautes personnalités de l’Église auprès des autorités françaises pour qu’elles entreprennent quelque chose. Peine perdue. Il faut dire que la famille Ghika s’y oppose, ayant reçu comme information, via l’ambassade de France, que Vladimir Ghika serait en bonne santé, à Snagov. Masloff, qui n’est pas naïf et sait de quoi sont capables les communistes, n’y croit pas un seul instant et insiste, insiste jusqu’à écœurer ses interlocuteurs, qui le croient fou, ce qu’il est sans doute. Mais la folie a aussi parfois ses moments de lucidité.

[1] Sic.

Luc Verly


Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 13 / 2022, p. 21.