Début août 1931, Vladimir Ghika assiste à l’enterrement de son vieil ami Nicolae Păulescu. Un journal d’époque raconte que « sdrobit de suferinţă mută a îngenuncheat, a sărutat mâna rece a celui mai bun fiu al Bisericii lui Christos și s-a înfrăţit în durere, cu fraţii săi ortodoxi, lângă acela care a visat mereu o singură și dumnezeiască Creștinătate »[1].
C’est Vladimir Ghika qui avait initié leur amitié en octobre 1905 en déposant sa carte de visite chez le docteur Păulescu, comme on le faisait à l’époque, avant le téléphone, pour demander rendez-vous. Ce à quoi Nicolae Păulescu avait répondu : « À mon tour, je brûle du désir de vous connaître. »[2] Vladimir Ghika désirait sans doute le faire collaborer au dispensaire médical qu’il comptait fonder à Bucarest à l’aide des Filles de Charité. Et c’est effectivement ce qui arriva. Le docteur Nicolae Păulescu vint donner des consultations gratuites à tous ceux qui se présentaient là. « Incontestablement Dieu bénit votre œuvre qui semble vouloir prendre des proportions gigantesques. 200-250 malades à chaque consultation, c’est énorme ! »[3] écrit-il un an plus tard à Vladimir Ghika.
À ces consultations venaient des pauvres, des catholiques, bien sûr, mais aussi des orthodoxes, des musulmans, des juifs… Păulescu disait à ses étudiants : « In spital, veţi mai găsi şi oameni de alte naţii ca unguri, greci, ovrei, naţii chiar duşmane nouă şi care duc în contra noastră o luptă pe viaţă şi pe moarte. Or, toţi aceşti oameni – buni sau răi, virtuoşi sau inamici – trebue să primească în spital aceleaşi îngrijiri, fără să se ţină seama de meritele sau nemernicia lor, fiindcă Dumnezeu vrea ca iubirea ce-i datoresc oamenii, să se reverse asupra bolnavilor săraci. »
Oui, le Docteur Păulescu était prêt à tous les sacrifices pour ses malades… « avec Dieu, pas d’économies ! »[4] disait-il, mais en même temps, son nationalisme excessif faisait qu’il pensait que certains d’entre eux étaient des ennemis mortels. Les Juifs étaient les plus dangereux, selon lui : « Creştinismul are un duşman neîmpăcat, – anume, Jidănismul. » Prise de position outrancière qu’il proclama malheureusement haut et fort sur la scène politique.
Comment expliquer qu’un homme si dévoué à ses malades puisse, être, par ailleurs, si plein de haine? Dr Jekyll et Mr Hyde… Ce sont sans doute ces opinions exagérées qui éloignèrent Vladimir Ghika et Nicolae Păulescu puisque leur relation semble presque complètement cesser après 1912.
Mais que voulait dire le grand savant roumain sur son lit de mort à Mgr Ghika venu lui rendre une dernière visite : « Je ne voudrais pas que… »[5] Il n’eut pas la force de finir sa phrase, recommencée cependant plusieurs fois. On aimerait croire que cette formule négative fut l’expression du regret de n’avoir pas été plus loin dans une amitié qui aurait pu lui éviter des dérives fort dommageables.
[1] Acţiunea Română, 4 août 1931.
[2] Lettre du 5 octobre 1905.
[3] Lettre du 19 août 1906.
[4] Idem.
[5] Témoignage laissé par le Père Georges Schorung.
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 12 / 2019, p. 27.