Économiste, mathématicien, écrivain, pédagogue, diplomate et homme politique, Ion Ghica[1] (1816-1897) a été une personnalité marquante de la Roumanie de la seconde moitié du XIXe siècle. Il a été premier ministre de la Roumanie et président de l’Académie Roumaine à plusieurs reprises. Il est resté dans l’histoire de la littérature pour ses Lettres à Vasile Alecsandri. Nous ne savons pas si Vladimir Ghika l’a jamais rencontré. Mais il a connu l’un de ses nombreux enfants, Nicolae. Nicolae et Vladimir se connaissaient probablement depuis longtemps, mais leur véritable rencontre a lieu au tout début de l’année 1941. C’est probablement alors que Nicolae, se sachant malade d’un cancer incurable, demande à son cousin Vladimir de lui apprendre à prier[2]. Le 19 janvier 1941, il se convertit. Il se confesse et communie nous indique l’agenda de Vladimir Ghika.
Le 15 décembre 1941, il demande à ce dernier de célébrer une messe chez lui. Au lendemain de la cérémonie, il écrit à Élisabeth Ghika dont il est assez proche puisque Georgette, sœur d’Élisabeth, a épousé Nicolae Cantacuzino, frère d’Irina Cantacuzino[3] sa seconde épouse, morte à 37 ans, en 1906, à la naissance de leur 4e enfant. Nicolae Ghica ne se remariera jamais.
Dans cette lettre, ce dernier écrit : « Le geste si largement généreux que vous avez fait d’accepter de seconder votre beau-frère dans la célébration de la messe qu’il a dite hier chez moi m’a si profondément touché et ému que je crains de n’avoir pu assez bien vous témoigner toute ma gratitude. Laissez-moi vous dire encore et combien je prierai pour vous, pour vos enfants et pour ceux qui vous sont chers. »
Le lendemain, il écrit à Vladimir : « Le devoir agréable que je promettais de me faire ce matin, en me rendant chez vous et mieux vous remercier pour l’assistance religieuse que vous m’avez donné avec tant de cœur, a été trahi par une crise douloureuse de cette nuit, qui me laisse maintenant de la fièvre et une grande faiblesse, qui me confineront de nouveau pour quelques jours dans ma chambre. Je ne veux plus cependant tarder d’avantage à vous apporter les remercîments que l’émotion seule m’avait empêché d’assez bien vous exprimer. Soyez béni pour tout le bien que vous n’avez cessé de faire ; vous êtes dans toutes mes prières et je sens que je suis dans les vôtres. Lorsque vous serez amené pour vos courses à proximité de ma demeure, entrez un instant ; vous m’apporterez chaque fois un rayon de lumière de plus pour éclairer ma route. Je vous serais très-reconnaissant de me permettre de joindre l’obole ci-joint pour vos pauvres et de me donner ainsi la joie de m’associer à vous dans le soulagement d’un peu plus de souffrances. »
Leur relation devient plus intime et Vladimir Ghika rend assez régulièrement visite à son cousin qui, dans les agendas passe de « Nicolae Ghika-Ghergani[4] », pour le distinguer des autres Nicolae Ghika, notamment de l’architecte Nicolae Ghika-Budești, à « Nicu Ghika », une familiarité qui semble bien refléter les liens qui se nouent entre les deux hommes. Amitié renforcée par le fait qu’Alexandra (dite Ala, 1903-2004), fille de Nicolae, a épousé le général Robert Bossy, frère de Madeleine Bossy, que nous avons présenté il y a quelque temps dans cette chronique[5], fondatrice du monastère gréco-catholique des Annonciades à Edera-Moreni (Prahova). Ala soutient ce projet en fournissant notamment le terrain de la fondation. Nicolae, lui, fera un don substantiel au monastère.
Mais, comme on l’a vu plus haut, Nicolae est malade. Ayant longtemps supporté son cancer, il finit par désespérer et met fin à ses jours le 30 novembre 1943. Nous ne savons rien de son enterrement, pas même le lieu. Vladimir Ghika, ne désespérant pas de son salut, célèbre une messe pour lui le 11 décembre suivant.
[1] Nous écrivons le nom de famille avec un « c », car c’est celle choisie par Ion et Nicolae Ghica. Vladimir et sa branche familiale ayant, eux, choisi l’orthographe avec un « k ».
[2] Information venant du Père Georges Schorung.
[3] Ils sont les aînés des enfants du célèbre « Nabab » George Cantacuzino.
[4] Du nom du domaine que Ion Ghica a laissé à son fils Nicolae… au détriment de ses autres enfants. Domaine dont a hérité Irina Boulin-Bossy-Ghica, petite-fille de Robert et Ala Bossy, qui s’efforce de le restaurer.
[5] Actualitatea creștină, nr. 11 / 2021, p. 27.
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 8 / 2023, p. 27.