Le 18 février 1939, l’astronome Nicolae Coculescu[1] écrit à Vladimir Ghika : « Hier matin de 11h à 12, il y a eu un Requiem à la Cathédrale pour le repos de l’âme du grand Pape défunt[2] ; j’y ai été invité et j’y ai assisté. S[a] M[ajesté] le Roi [Carol II], le Prince héritier [Mihai], toute la cour et les ministres plénipotentiaires s’y trouvaient ; le service religieux a été impressionnant et bien émouvant. En ce qui me concerne, je garderai toujours un pieux souvenir et une profonde vénération pour le Pape Pie XI, parce que c’est sous son pontificat que j’ai passé au catholicisme et qu’il m’avait fait le très grand honneur de me recevoir en audience spéciale, grâce à vos lettres d’introductions auprès de leurs éminences les Cardinaux Pizzardo et Caccia Dominioni. »
Car, oui, Nicolae Coculescu est croyant, pensant, comme beaucoup d’astronomes comme lui, déceler dans l’incommensurable immensité céleste et le parfait mécanisme des orbes planétaires la main de ce que Voltaire appelait le « Grand Horloger de l’Univers », Dieu.
Mais l’Église Orthodoxe ne l’attire guère, comme le souligne Mgr Raymond Netzhammer, archevêque de Bucarest, dans son journal : « Coculescu montre peu de respect envers l’Église nationale orthodoxe et, comme il le dit lui-même, il n’est plus entré dans une église roumaine depuis le temps où il était étudiant. »[3] Ce sont peut-être les événements de Macédoine, opposant orthodoxes grecs et bulgares en Macédoine dans une lutte sanglante[4], qui l’ont fait définitivement s’éloigner de l’orthodoxie. Car la famille de Nicolae Coculescu est d’origine aroumaine macédonienne.
C’est le savant jésuite français Louis Froc (1859-1932), notamment connu pour son activité de météorologue en Chine, qui lui a ouvert la voie vers le catholicisme. N’oublions pas que Nicolae Coculescu, en plus d’être professeur universitaire d’astronomie et le fondateur de l’Observatoire Astronomique de Bucarest, était aussi météorologue. En son temps astronomie et météorologie étaient étroitement liées.
Mais c’est son ami Vladimir Ghika, devenu prêtre deux ans auparavant, qui le convertit officiellement au catholicisme, le 21 octobre 1925, à Paris. Vladimir Ghika a-t-il volontairement choisi pour la cérémonie le jour anniversaire de la mort de sa mère très aimée ? En tous cas, cette foi se maintient dans le temps, puisque Nicolae Coculescu écrit à Vladimir Ghika, le 10 octobre 1937, alors qu’il vient de débarquer à Paris : « Ma première visite est pour vous. J’aimerais bien faire, après, les deux visites suivantes, si vous le jugez à propos : chez Son Excellence Mgr Chaptal et chez le Nonce, Mgr Valerio Valeri, que j’ai bien connu à Bucarest, étant chargé aussi par Mgr l’Archevêque de Bucarest de le rappeler à son bon souvenir. J’aimerais de plus, si le temps le permet et si c’est facile, voir l’Abbaye de Solesmes, dont vous m’avez parlé avec enthousiasme lors de votre visite avec le Prince Sixte de Bourbon – et d’y assister à une Messe en musique (grégorienne) ; je voudrais y aller avec mon fils. »
Car il a entraîné son fils, l’écrivain et linguiste bien connu Pius-Servien dans sa foi. N’est-ce pas un signe que Nicolae ait choisi pour son fils, né en 1902, le nom de Pius, nom du pape qui sera élu l’année suivante, Pie X, de celui du temps de sa conversion, Pie XI, et de celui de l’année de sa mort, Pie XII ? Les astronomes savent-ils donc lire l’avenir dans les étoiles ?
[1] Voir le livre de Magda Stavinschi, Nicolae Coculescu, o viață printre stele (Nicolae Coculescu, une vie dans les étoiles), Eikon, București, 2016.
[2] Pie XI vient de mourir, le 10 février 1939.
[3] Raymund Netzhammer, Episcop în România, 11 ianuarie 1915, p. 560.
[4] À ce sujet, voir : Luc Verly, « Vladimir Ghika și Macedonia », Pro Memoria, nr. 20/2021, pp. 175-208.
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 7 / 2019, p. 27.