Maria Solacolu, issue d’une famille roumaine aisée, est sans doute la correspondante la plus prolifique de Vladimir Ghika, non pas tant parce qu’elle serait bavarde, elle l’est c’est indéniable, non pas qu’elle s’apitoie sur son sort à longueur de pages, mais elle a beaucoup d’amis qui, tous, à un moment donné, ont besoin d’un soutien matériel ou spirituel.
Il faut dire que Maria Solacolu et Vladimir Ghika sont restés longtemps en contact puisqu’ils se sont connus à Bucarest dès 1901, alors qu’elle a 16 ans, et se sont fréquentés à Paris jusqu’au départ de Vladimir Ghika pour la Roumanie en 1939. Elle s’est beaucoup impliquée dans la promotion du catholicisme, devenant notamment secrétaire des Dames de Charité soutenant la Sœur Pucci et ses consœurs de Bucarest. Cependant, en 1908, elle doit rentrer à Paris et elle y restera jusqu’à sa mort, en 1965.
Après la Première Guerre mondiale au cours de laquelle elle a soigné les blessés, elle se retrouve sans argent, sa fortune ayant fondu, dilapidée, dit-elle, par sa famille. Elle écrit ainsi à Vladimir Ghika, le 17 septembre 1926 : « C’est affolant de devoir vivre et c’est fou ce que cela comporte de luttes et de souffrance de nos jours. (…) Vous êtes heureux, vous qui n’avez jamais connu de semblables minutes de détresses… qui pouvez planer uniquement occupé de l’amour de Dieu… que la vie ne tourmente pas dans son essence même, mais uniquement dans vos rêves, vos méditations, vos fondations. Certains de vos pénitents (pas moi) pensent que c’est justement de n’avoir jamais rien senti ni connu cette souffrance-là qui vous manque. »
Vladimir Ghika s’étant sans doute justifié en disant qu’il avait, lui aussi, bien des croix à porter, elle reprend, une semaine plus tard : « Mais ces soucis que vous avez, pour terribles qu’ils soient, sont splendides, ils sont grands de noblesse. On ose les avouer ; ce sont des soucis de saints, de grands seigneurs. Au lieu que les soucis dont je parle, personnels, égoïstes et plus impérieux que tout cependant, sont les soucis avilissants des déshérités d’ici-bas – de ceux qui ne sont plus rien dans notre horrible société d’argent et qui, pour garder leur rang et un peu de dignité, doivent dissimuler, crâner… (…) C’est ce que vous ne pourrez jamais comprendre… » Notons qu’elle dit cela tout en mettant à la disposition de Vladimir Ghika le peu d’économies qu’elle a.
Elle complétera plus tard : « Pour moi, c’est plus difficile de gagner ma vie que de gagner le Ciel. » Après avoir été un temps préceptrice, elle finit par vivre de ce qui, au début, n’était qu’un jeu de salon : l’astrologie. Elle croit vraiment en ses prédictions et, sous le nom de Marie de Solars, qu’elle acquiert officiellement en devenant française vers 1930, à l’instar de Melle Le Normand un siècle plus tôt, elle attire de nombreux clients fortunés, entre autres des souverains déchus, pensant, grâce à des prédictions favorables, garder quelque espoir de recouvrer leur trône : Alphonse XIII, roi d’Espagne, Zita, Impératrice d’Autriche, le comte de Paris, prétendant au trône de France, etc.
Et elle ne lâche rien, même quand Vladimir Ghika émet de sérieux doutes sur son art divinatoire. À son sujet, interprétant les célèbres prophéties de Malachie sur la succession des papes, elle lui écrit, le 2 mai 1934 : « Si Pastor Angelicus est un pape né en Gaule – De meditate Lunae doit (…) être né à Byzance et je me demande si ce ne sera pas vous qui serez celui-là ? » L’astrologie est loin d’être une science exacte, elle est loin d’être une science tout court, d’ailleurs. Non, Vladimir Ghika ne fut jamais élu pape…
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 5 / 2023, p. 27.