LA THEOLOGIE DU BESOIN

Parler de mes travaux de banlieue aux Jicistes? … comme je l’ai dit dans une conférence que l’on m’avait demandé à Bruxelles sur le même sujet, j’ai l’impression, en ce faisant, de livrer des secrèts de famille et de verser dans le domaine public des choses qui gagnent à n’être vues que de Dieu. Cependant, si cela peut faire quelque bien, si cela peut susciter quelqu’utile émulation sur le même terrain, si cela peut éclairer les conditions du problème, je le ferai volontiers le moins mal que je pourrai.
Je me suis donné à la banlieue tout d’abord, en vertu du principe qui a guidé l’activité de notre groupement de Saint-Jean, ce que j’ai appelé la: théologie du besoin. Si, pour le fond, disciples du disciple préféré, nous ne cherchons que ,,l’unique chose nécessaire”, le plus grand amour de Dieu et du prochain en Dieu, pour la partie secondaire et contingeante, c’est à dire pour la manifestation active de cet élément essentiel et la fixation de ses formes particulières, nous nous laissons aller avec une absolue indifférence, à la seule conduite de la Providence qui nous désigne par cette théologie du besoin ,,le champ sur lequel doit porter notre effort. Cette ,,théologie du besoin”, c’est l’indication d’un appel mystérieux; là où s’avère, à l’ordre du jour, une misère non pourvue, une lacune point encore comblée, quand Dieu semble ne pas être assez là où il faut, et que le monde en souffre, Il nous crie: ,,Venez M’y mettre”, et nous fait apporter, là, remède et amorce de la seule Vie qui compte pour l’Eternité.
Et je n’ai voulu venir là, ni en spécialiste des faubourgs, ni en théoricien de sociologie, mais en délégué de la Providence et en ouvrier du Royaume de Dieu.
Ce n’est ni pour ,, une oeuvre sociale”, ni avec une pensée du meilleur ordre politique, ni avec une pensée de rapprochement et d’harmonisation de classes (les clases n’existent pas pour qui prend les choses à notre niveau), raisons de second ordre et trop humainement utilitaires, si louables qu’elles soient. Ce n’est pour rien de tout cela que je me suis senti appelé en banlieue. C’est pour porter à Dieu des foules qui semblaient L’ignorer le plus. (etpeut-être le moins coupablement) et qui étaient plus près de moi, à nos portes. Le reste, si légitime qu’il soit, n’a droit à venir qu’après, et s’ajoute alors de lui-même comme par surcroît, suivant la promesse de l’Evangile (il s’ajoute, il est vrai , avec une intensité, une rapidité, une sécurité que ne connaîssent pas le plus pieuses méthodes d’amenagement de ce monde, quand elles renversent, comme elles le font trop souvent, la valeur des termes et le veritable but de l’apostolat chrétien voué à la seule vie éternelle.)
Et, si je me suis fixé sur un point donné avec une demeure aussi rudimentaire que possible c’est que, outré cet appel de la ,,théologie du besoin”, indication providentillement précise, je tenais aussi à donner à ma résidence, avec sa qualité, en quelque sorte de Maison-Mère, un caractère suffisament significatif et représentatif de nos intentions, en quelque lieu que nous puissions avoir à travailler.
Où le besoin était-il, au moins en aparence, le plus marqué? Où Dieu manquait-Il visiblement le plus à la masse? Je l’ai demandé à ceux qui avaient compétence, lumières naturelles et grâces d’état pour me le dire: aux autorités diocésaines de Paris. Quel était, au point de vue religieux, l’endroit le plus déshérité de Paris?
Après bien des tâtonnements (5 quartiers succesifs ont d’abord été candidates à cette sorte de prix d’excellence à rebours), le choix est tombé sur par partie médiane de Villejuif à la lisière de Kremlin-Bicêtre, dans la région plutôt marécageuse qui précède la montée de la colline. Comme dans ces régions, terrains vagues, surtout alors, uniquement peuples d’invraisambables cabanes, il n’y avait pas à songer à une habitation ordinaire et qu’il y aurait erreur grâve devant Dieu et devant les hommes, moralement et ,,stratigiquement” à en aménager une, c’est avec une ,,tente” quelconque, de toile, de carton ou de bois, et sans appeler aucun secours humain à mon service, qu’il fallait m’établir pour faire vraiment oeuvre de Dieu. La première pensée fut de monter une baraque de guerre hors d’usage; on me démontra qu’elle serait précisémenit trop hors d’usage pour servir. On me conseillas un wagon, ou plutôt quatre parois d’un vieux wagon sans roues qui me fut aimablement fourni, mais qui, au moment où je surmontais les affreuses difficultés du transport, s’ avéra, en sa qualité de rectangle, impossible à inscrire dans le triangle irrégulier du bizarre terrain dont j’avais pu me rendre acquéreur, entre 4 huttes dechiffoniers.Une petite baraquede bois démontable fut enfin la solution ultime et …

“Nulle méthode indirecte. Par lesens même de lţimportance de l’unique chose nécessaire” à faire comprendre et à vivre: l’abord direct de l’essentiel. Toutes les adaptations peut-être, mais aucune ,,strategie”, et l’impression très nette donnée aux évangélisés qu’on n’a pas d’arrière pensée en venant à eux. L’ enseignement des vérités de la foi comme réalités avant tout, comme réalités premières, valant plus que le monde entier. Point d’apologétique de discussion, mais une pure apologétique de séduction. Aucun mélange avec les questions d’un autre ordre, sociales ou politiques surtout. Une participation aussi profonde , aussi aimante, aussi intime que possible, à la vie de chacun. -La puisée incessante de toute force dans le sacrifice de la Messe et la prière continuelle. L’union à Dieu sentie, le seul moyen d’atteindre les âmes et de les mener à Dieu; et ceci en mesure du degré de cette union … et somme toute, bien trouvée. Elle fut dressée enun jour; toute en planches; elle mesurait 9 mètres de long sur 3 de large, et se divisait en 3 sections, l’une réservée à l’autel (un rayon de bois sur le mur, avec une petite marche pour rehausser le célébrant), l’autre portent contre le mur un bout de couchette (type banquette de tramway), la troisieme meublée d’une table de cuisine avec 3 chaises de jardin en bois et fer, chambre de réception, de travail, et dispensaire éventuel. J’y entrai le 19 mars 1925. J’avais voulu choisir la fête du ,,cherpentier” pour mon abri de bois et consacrer au chef de la Sainte Famille la grande famille d’enfants que je voulais voir s’établir là bas, par le travail de l’Esprit Saint. (à suivre)