Le 8 mai 1934, après avoir rencontré Vladimir Ghika, la poétesse catholique belge Hilda Bertrand lui envoie le poème suivant :

Sur l’Empire d’un visage
(inspiré du Révérendissime Mgr Ghika)

Le faisceau intérieur situe les traits affinés
De la beauté évangélique sur le Visage
Nous subissons le charme où tremble la vision bleue
– D’un ange
 
De l’Ancien et du Nouveau Monde
Des diadèmes et des Croix enveloppent
Les yeux qui abaissent l’image reflétée
– Du Docteur de l’Église

Le premier prince apostolique des lettres chrétiennes
Donne le frisson balsamique
Aux brebis du troupeau
Sa légende solennelle et synthélique
Est partout charitable et gracieuse
Ses silences et ses paroles sont le centre
– De l’impérissable parfait

La sérénité jeune et immanente
D’un visage et le geste du prêtre
Portent la guérison
Vers la tendre création en génuflexion
Une robe violette inflexible est pitoyable
Et appelle chez l’envoyé de Dieu
– La miséricorde

Pour son message
Dieu couvre la grandeur liée
Au roi de l’Occident et de l’Orient
Et à la bouche d’or Sacrée
– de Monseigneur

Voilant la bonté et le sourire
Dieu au message identifie
L’image inscrite de ce premier Serviteur
À la ressemblance magnissime
– De Saint Paul et à celle de Saint Pierre[1]

Hilda Bertrand n’est pas une inconnue. Ses poèmes, qu’elle tenait bien rangés dans un tiroir, ont été découverts par sa tante qui les a fait publier[2]. Paraissent ainsi à Bruxelles les Pas dans les pas (1932) puis Parler avec les abimes (1933). Plusieurs poètes connus, comme Edmond Jaloux, Jean Cassou et surtout Jules Supervielle l’apprécient. Après un dernier recueil, Un chemin de l’ascension, publié en 1940, et qui obtint le prix des poètes catholiques, elle disparaît de la scène littéraire belge et internationale. On la croit morte jusqu’à ce qu’un étudiant la retrouve en 1964 et lui consacre un mémoire de licence[3]. Et ensuite, l’on perd de nouveau sa trace. Elle fut d’une telle modestie que la date de sa mort nous est restée inconnue, tout comme son visage. D’aucuns écrivent pour leur gloire personnelle, d’autres s’effacent pour glorifier autrui : Dieu, sa création ou ses saints.
[1] Les Archives Vladimir Ghika ne possèdent malheureusement qu’une copie manuscrite de ce poème réalisée par le Père Georges Schorung dans les années cinquante. Il se pourrait que des erreurs de transcription soient apparues ça et là.
[2] Cf. Gérald Purnelle dans « Joseph Orban, ou le perdant maudit », p. 117-123, https://doi.org/10.4000/textyles.2926.
[3] Victor Renier, « L’Œuvre poétique de Hilda Bertrand », Mémoire de Licence, Louvain, 1967.

Luc Verly


Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 1 / 2021, p. 27.