Presque tous les livres publiés par Vladimir Ghika l’ont été aux éditions Beauchesne. Si, au début, le jeune intellectuel roumain, pour la publication de ses conférences aux Dames de Charité, a affaire à Gabriel Beauchesne, qui a fondé la maison d’éditions parisienne en 1901, très vite une relation plus intime se noue avec l’un des deux fils de celui-ci, Henry. C’est d’ailleurs ce dernier qui reprend les rênes de l’entreprise à la mort de son père, en 1943. C’est lui encore qui, en 1961, rééditera, sous le titre Entretiens spirituels, les brochures publiées par Vladimir Ghika dans l’entre-deux-guerres.
En 1928, Henry demande au Père Vladimir Ghika de bénir son mariage. De cette union naît un fils, Gaël. Mais l’enfant est maladif[1]. Les parents appellent souvent le prince abbé au chevet de leur fils pour qu’il vienne à leur aide morale et spirituelle, mais aussi pour qu’il applique la relique au malade. Souvent, l’effet est bénéfique comme l’indique le père de l’enfant au début de l’année 1934 : « J’espère que Dieu aura continué d’exaucer vos prières. Et chose surprenante, jamais Gaël n’a été en si bon état ; il prend du poids et des couleurs. Il ne sent plus la fatigue. – Voilà, Monseigneur, ce que vous avez obtenu du Ciel. Comment vous exprimerons-nous toute notre immense reconnaissance ? »[2]
Henry Beauchesne met toute sa confiance dans ce prêtre « si puissant », comme il dit, auprès du Bon Dieu[3]. Tellement que Vladimir Ghika, alors qu’Henry Beauchesne insiste pour qu’il vienne au chevet d’une amie mourante, finit par lui reprocher de le prendre pour un « guérisseur ». L’ami éditeur répond : « Si nous avons insisté pour que vous veniez, c’est parce que nous avions confiance dans vos prières et qu’il pouvait y avoir un miracle, par vous et pour la plus grande gloire de Dieu, dans ce milieu médical. Je n’avais pu rester insensible quand le beau-frère, médecin catholique, reconnaissant l’impuissance de la science, me demanda votre secours. »[4]
Mais, de son côté, l’état de santé général du petit Gaël, finalement, empire. Le 9 décembre 1934, Henry Beauchesne, désespéré, appelle au secours Vladimir Ghika alors que celui-ci se trouve chez son frère Démètre, en poste à Bruxelles. Vladimir Ghika prend le train pour Paris dans l’après-midi. Il passe la nuit auprès du petit malade à la clinique de la rue Boileau, mais le petit Gaël Beauchesne meurt le lendemain à 11h ¼ après que Vladimir Ghika a dit la messe à son chevet.
La foi du père en est ébranlée. Comment supporter la mort du petit être cher ? D’autres se seraient effondrés. Mais au lieu d’éloigner Henry Beauchesne de Dieu, la mort de Gaël l’en rapproche, même si cet immense malheur n’est pas facile à accepter. Il écrit ainsi à Vladimir Ghika : « je voulais fortifier mon courage auprès de vous, vous entendre m’affirmer que Gaël est infiniment heureux et près de nous et que je le retrouverai un jour tel que je l’ai perdu. Tout cela je le crois, je veux le croire, malgré les doutes qui cherchent à s’insinuer et qui, en ébranlant ma foi, diminuent mon espérance et par là même ma force. Oui, Monseigneur, j’ai besoin de votre persuasion. (…) Je cherche à vivre près de lui en vivant plus près de Dieu… »[5]
[1] Il paraît être atteint de tuberculose.
[2] Lettre du 9 avril 1934.
[3] Lettre du 8 janvier 1934.
[4] Lettre du 21 janvier 1934.
[5] Lettre du 12 août 1935.
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 8 / 2022, p. 27.