Michel PRAT, oblat bénédictin

J’ai entendu parler de Mgr Vladimir Ghika pour la première fois à Noël 2000 lors d’une retraite à l’abbaye Saint Pierre de Solesmes (Sarthe – France), puis lors de la fête de Sainte Thérèse de l’E.J. en octobre 2007 lors de la venue à l’église Sainte Thérèse de l’E.J. de Villejuif du Curé de la paroisse du Sacré Cœur de Bucarest, le Père Ioan Ciobanu, accompagné de deux dames, compatriotes du Père Ciobanu.

Mgr Ghika a décidé d’annoncer le Christ en 1924 dans une banlieue déshéritée de Paris. L’une des difficultés de vivre dans une banlieue pauvre est de porter, de prendre sur soi la douleur, la souffrance, la misère spirituelle d’autrui. le prélat répond à cette question en disant:

“Si tu sais prendre sur toi la douleur d’autrui, le Seigneur prendra sur Lui la tienne et la fera Sienne, c’est à dire ouvrière de salut. Si tu sais prendre sur toi la douleur d’autrui, la Seigneur prendra sur Lui cette douleur, en toi, et la fera Sienne, c’est dire ouvrière de salut. Il la prendra avec d’autant plus d’élan qu’Il la trouve comme déjà déracinée et transplantée en ton cœur.

Et comme il l’y trouve purifiée de tout égoïsme, transfigurée par la pitié, sanctifiée par l’amour chrétien, la consolation sera plus forte en autrui, la bénédiction plus vivante en toi, la joie de demain plus grande en tous deux.” (Pensées Pour la Suite des Jours – page 28 – Prince Vladimir I. Ghika – Éditions Beauchêne)

Dans un tel milieu, la tentation du découragement nous guette: “A quoi donc puis-je être bon?” Réponse: “En tout cas, à être bon.”(PPSJ page 35); “A faire par amour ce qu’on aurait à faire par devoir.”(PPSJ page 36) Nous devons garder l’objectif de nous diriger vers la lumière: “L’ombre nous suit quand nous allons vers la lumière et nous précède quand nous nous éloignons d’elle.”(PPSJ page 38)

“La miséricorde sera toujours plus grande que la misère et la joie de demain plus grande que la peine d’aujourd’hui.”(PPSJ page 39); ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu. “Même si tu tombes, prie!”, disait Sainte Thérèse d’Avila. Même dans l’épreuve, continuer à mettre en pratique les commandements du Seigneur.

“J’ai cru par amour ce que tu m’as révélé par amour, et j’ai cru que tu me l’as révélé par amour.”(PPSJ page 45): l’Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ est une Loi d’amour. “Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force; et tu aimeras ton prochain comme toi-même.”(Dt 6,4-5; Lv 19,18b; Mc 12,29-31a). Ce thème est développé dans l’hymne à la charité de Saint Paul. (1Co13)

“Il est bon d’exiger beaucoup des autres comme de soi-même, pour leur progrès, et afin de leur marquer l’estime où nous les tenons; mais il est mauvais de leur en vouloir, s’il leur arrive de tromper plus ou moins notre attente.”(PPSJ page 52): la première partie de cette pensée est une paraphrase de la première partie du verset Lv 19,18 cité plus haut. Lorsque ton prochain commet une faute, tu lui en feras le reproche. Ainsi tu ne porteras pas le poids de son péché. Lors de nos assemblées dominicales, être exigeant de la part du célébrant quant à la dignité de la célébration est une marque d’estime qu’il porte aux fidèles. Une fois ces reproches faits, tu pourras alors et tu devras aimer ton prochain comme toi-même: c’est la deuxième partie de la pensée.

“Je ne rachète pas les fautes, mais les coupables. Je n’efface pas du monde les coupables, mais les fautes.” (PPSJ page 56) Cette phrase est à rapprocher de la parole de Jésus: “je ne suis pas venu juger le monde mais le sauver.”(Jn 12,47). Jésus est venu dans le monde pour le sauver de ses fautes. “Ce ne sont pas les gens biens portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs.”(Mt 9,12.13b). Jésus est venu en ce monde pour nous sauver, nous les hommes d’abord, et non pas pour traiter nos actes de telle ou telle façon. La vie humaine est précieuse à ses yeux. Nous n’avons pas le droit d’attenter à la vie des hommes, même coupables. C’est ce que dit le commandement “Tu ne commettras pas de meurtre.”(Ex 20,13) Par contre, effacer les fautes signifie que pardonner est un devoir. Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : “Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ?” Jésus lui répondit : “Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ?” (Mt 18,21-22)

Le malade connaît moins qu’un autre les raisons organiques du mal dont il ressent les effets; et il les reconnaît d’autant moins que l’organe frappé est appelé à prendre part à son jugement. (PPSJ page 80) La question qui revient souvent chez un malade est “pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai fait pour être malade ?” Certains évoquent une punition de Dieu: “le sida, la grippe A,… c’est Dieu qui l’a voulu!” On retrouve ce thème en Jn 9, 2: “Ses disciples l’interrogèrent: Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ?” ou bien encore dans Lc 13, 2; “Jésus leur répondit: Pensez-vous que ces galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres galiléens, pour avoir subi un tel sort ?” Jésus a guéri les malades, la fille de Jaïre et l’hémoroïsse (Lc 8,41-56), le fils de la veuve de Naïm (Lc 7,11-17), il a apaisé la tempête (Mc 4, 35-41), dominé les forces du mal en marchant sur la mer (Mc 6, 46-52) mais il n’a pas fait de discours sur l’origine du mal et de la souffrance.Jésus nous promet la résurrection et la vie éternelle.

A SUIVRE….