Avant d’étudier sa correspondance, tout ce que je savais d’Edmond Joly (1861-1932) c’est qu’il était l’auteur de la Chambre des Saints à Rome, dont Vladimir Ghika a écrit la préface. Écrivain belge, Edmond Joly s’installe à Paris dans l’après-guerre pour y vivre de sa plume. Mais que faire sans relations ? Sa femme Julia (née van Neste à Bruges en 1884), voyant dans un journal la prochaine ordination de Vladimir Ghika, se souvient l’avoir connu autrefois chez Mme Arion, à Bucarest, et ose prendre contact avec lui, pensant, avec raison, qu’il a ses entrées dans le monde littéraire chrétien, car son mari écrit des livres de poésie et de critique d’art à forte imprégnation catholique.
Le courant passe très vite entre Edmond Joly et Vladimir Ghika, qui apprécie ses écrits. Ce dernier réussit ainsi à placer plusieurs textes de l’écrivain belge dans des revues ou chez des éditeurs amis, parfois prestigieux. Ces écrits sont appréciés par la critique, mais ne trouvent guère leur public.
Pour subvenir aux besoins de la famille, c’est Julia qui prend les choses en mains en donnant des leçons particulières à des jeunes filles de la bonne société. Le problème c’est que sa santé mentale laisse à désirer. Elle dit être atteinte de neurasthénie, que l’on qualifierait de trouble bipolaire de nos jours. « Ma souffrance est folle, il faut qu’elle rencontre Dieu ! » s’écrie-t-elle.
Elle pense trouver un sauveur en la personne de Vladimir Ghika et sent qu’un « miracle » se produit le jour de Noël 1923. « Vous avez fait naître une source dans le désert que j’habite. » « Tout de suite, vous m’avez proposé l’énormité de ce dogme auquel, je le sens maintenant, il faut croire parce qu’il est incroyable, » écrit-elle.
Mais sa foi, même après cela, reste vacillante : « Mille démons m’écartèlent pendant mes crises et c’est une fatigue et une torture sans nom. » Ou encore : « je ne vais à Dieu que parce que je suis malheureuse et je me sens tout à fait incapable de foi. Je ne sais même pas si c’est Dieu que je cherche. » Quelques années plus tard, elle écrira même : « Je crois qu’entre Dieu et moi, il y a un grand malentendu. » Les « attaques démoniaques », comme elle dit, culminent jusqu’à lui donner des envies de suicide.
Un jour, Julia écrit à Vladimir Ghika : « L’univers n’a pas de visage quand vous êtes loin ». Au fond c’est elle la vraie poétesse dans son couple. Comme quand elle dit : « J’ai vécu samedi et dimanche deux journées adorables : c’était vraiment Dieu qui, en moi, croyait à Lui-même. »
À chaque crise, elle-même ou son mari appellent Vladimir Ghika à l’aide. Ses visites font du bien… quelques temps. Mais souvent Vladimir Ghika est loin de Paris, alors il l’encourage par écrit, comme dans ce brouillon qui nous est parvenu : « Ne perdez pas courage, et songez avant tout, par dessus tout, à la seule chose nécessaire : en quoi l’atroce épreuve que vous traversez peut-elle vous-porter plus haut, plus près de Dieu ; que pouvez-vous retirer de saint pour votre vie de toujours aux yeux de Dieu pour qui cela seul compte, des moments si durs que vous avez à passer. Si vous ne regardez qu’à cela les choses mêmes qui vous tourmentent le plus, non seulement se mettent à leur place, mais, en raison de votre acte de foi et de courage, Dieu aimera peut-être, comme Il le fait souvent en pareil cas, à vous apporter la récompense d’un remède inespéré à l’irrémédiable, d’un secours d’ordre miraculeux. Veillez à faire toujours ce que Dieu pourrait préférer, en toute situation donnée et vous pourrez toujours trouver la paix, la confiance, en route, l’heureuse fin au bout, quoi qu’il arrive. »
Luc Verly
Articol publicat în traducere, într-o formă restrânsă, în Actualitatea creștină, nr. 1 / 2024, p. 27.